15 nov 2025

Andréa Guerra "Freud sous les tropiques" et Sinan Richards "Lacan, Fanon, Tosquelles"

Andréa Guerra : « Freud sous les tropiques : questions cliniques pour une psychanalyse en ellipse décoloniale »

 

Sinan Richards : Lacan, Fanon, Tosquelles

https://journals.sagepub.com/doi/epub/10.1177/00221678251384544

 

 

Andréa Guerra est psychanalyste et professeur d’études supérieures en psychologie à l’université fédérale du Minas Gerais, elle y coordonne le laboratoire Psilacs, psychanalyse et lien social, qui rassemble les chercheuses et chercheurs de plusieurs pays d’Amérique latine, et elle est à l’initiative de la création du réseau Ubuntu, auquel le collectif de Pantin est associé, qui développe, théoriquement et pratiquement les enjeux d’une psychanalyse décoloniale.

Elle a commencé par étudier le droit et la psychologie sociale avant de s’intéresser à la psychanalyse, et elle a consacré des recherches à l’adolescence et à la violence adolescente. Sa prise en compte de la colonialité dans les nœuds de conflictualité au Brésil, avec les moyens de la psychanalyse, vient aussi de sa connaissance des formes sociales et subjectives de la violence dans les espaces périphériques de la société brésilienne, justement rendus visibles par cette violence.

Dans le livre à paraître en anglais, mais certainement aussi en portugais, une approche politique du transfert est développée, qui l’inscrit dans un espace où le soupçon accompagne et redouble la supposition de savoir sur laquelle il s’appuie, savoir de l’analyste, par une sorte de désupposition de savoir, imputée à l’analysant.e. Le transfert s’y trouve relu à partir de la figure de l’ennemi, au prisme d’un antagonisme fabriqué par et dans la relation de pouvoir qu’est le transfert, et par laquelle le savoir propre à l’analysant.e, produit par l’expérience dominée en contexte colonial/néocolonial, peut être désactivé, voir ignoré. La question pourrait devenir celle de savoir comment cette suspicion, renversée sur le psychanalyste, pourrait réorganiser ce rapport de pouvoir qu’est le transfert, et qui a toujours à être défait comme tel, tout en étant utilisé, pour reprendre la formule par laquelle Lacan subvertit l’emprise du patriarcat : la figure du père, il faut s’en servir pour pouvoir s’en passer ; le transfert aussi… C’est toujours le rapport à l’autorité qui est en jeu, avec la question d’orienter autrement l’amour que d’en faire un soutien du principe d’autorité.

 

Sinan Richards est philosophe, il enseigne depuis l’année dernière à l’université de Cork, en Irlande, et il est spécialiste de la philosophie continentale et plus spécifiquement française ; il a  beaucoup travaillé sur Sartre, ce qui n’est pas sans lien avec son intérêt pour le mouvement anti-colonial ; il a travaillé aussi sur la mise en rapport de Sartre avec Lacan à propos de l’amour, et en ouvrant Lacan sur ses bords fanoniens, sur ses extensions possibles plus contemporaines prises dans les enjeux décoloniaux. Dans des articles récents consacrés à préciser les points de rencontre et les différences entre  Lacan, Tosquelles et Fanon, Fanon et Lacan se déplacent mutuellement, discrètement, en passant notamment par Tosquelles, mais cela fait également apparaître les enjeux de pouvoir à l’intérieur du transfert à partir des effets de violence produits par la parole et la pulsion, différemment, en fonction du cadrage socio-politique où cette parole prend place, ce qui réoriente notre manière de pouvoir penser l’inconscient en contexte, et non pas hors-sol. Dans cette perspective,  la notion de « substitution dialectique » permet de ne pas  disqualifier tout l’appareil conceptuel psychanalytique, du fait de son euro-centrisme, mais plutôt de négocier son ouverture à des enjeux auquel son positionnement le rend structurellement aveugle : si, comme Fanon le souligne, le racisme colonial incarcère les sujets de telle sorte à ce qu’ils se trouvent dépourvu des moyens de produire « de l’inconscient », un inconscient dynamique, à même de traiter le conflit, alors comment une psychanalyse fanonienne ou décoloniale peut-elle traiter ce problème : pas de psychanalyse sans inconscient, donc que faire si une conjoncture socio-politique objecte à la possibilité même qu’il y ait de l’inconscient. Quelle négociation est ici possible ? Quels aménagements seraient envisageables à partir de cette proposition que tu fais avec Derek Hook de vernaculariser la psychanalyse – de faire de la psychanalyse l’enjeu d’une réinvention locale, située selon les coordonnées d’une émancipation qui n’est pas universalisable ?

 

 

Sophie Mendelsohn

 

 

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